Photo: Emmanuel Dubourg, CJE Bourassa Sauvé et Centre des Jeunes l'Escale

A dix heures, la grande salle du CJE Bourassa-Sauvé était comble pour accueillir une cérémonie de reconnaissance de huit femmes engagées. L’évènement organisé par un élu faisait de la place aux citoyennes qui s’impliquaient au quotidien dans les milieux éducatifs, pour le bénévolat ou pour donner accès à une alimentation saine et des emplois dignes. Mais c’était dans la salle du sous-sol que toute l’équipe, hommes et femmes, grouillait pour finaliser l’accueil des conférencières et des participantes à cette journée dédiée aux droits des femmes à être reconnues. Dans la salle fleurie pour l’occasion, les intervenantes habituées à accompagner les jeunes femmes dans leurs trajectoires professionnelles, dans leur insertion vers l’emploi, avaient toutes hâte à ce que cette journée d’échanges commence. Une première conférencière évoqua l’importance pour les femmes d’être audacieuse et d’assumer ce que la société leur dénigrait par-dessus tout : leur capacité d’agir. Une deuxième conférence ramenait aux enjeux de droits et à la nécessité de considérer les femmes dans la diversité de leurs trajectoires. Il fallait leur dire, que les conditions de vie des femmes étaient souvent plus difficiles parce qu’on bafouait leurs droits. Les yeux brillaient dans la salle. Certes les mots faisaient effet, mais c’est la coprésence des femmes et leur capacité à parler de soi qui semblait être appréciée et applaudie.

À quelques kilomètres, dans le Nord-Est, à quinze heures précises, Elyakout avait invité plusieurs des citoyennes impliquées auprès de Parole d’excluEs, des Accorderies et dans les comités citoyens tels que RaciNE, à venir manger une part de gâteau en guise de symbole pour la journée internationale du droit des femmes. Celle qui parlait de son Maroc natal était un des liants du local, elle appelait les autres femmes à venir casser un peu la solitude de certains jours pour se retrouver, échanger et surtout être ensemble. Il ne fallait pas s’y tromper, elles étaient toutes des citoyennes actives, dont l’agenda débordait entre famille, travail et implications. Dans la salle au mur peint en vert, les femmes étaient québécoises blanches, québécoises noires, québécoises arabes et berbères, certaines étaient musulmanes, sans voile, en voile ou en niqab. Au centre de la table, un gâteau Forêt noire trônait, comme pour les inviter à se raconter. Elles se souhaitaient d’être en santé et en forme. La musique de fond animait la conversation entrecoupée par des accolades et des déclarations. L’une expliquait ses projets de l’été, l’autre parlait de la dernière fois qu’elle avait vu sa famille. Toutes partageaient une condition, celle d’être une femme de Montréal-Nord, avec une solidarité qui dépassait toutes les frontières.

En début de soirée, au centre des jeunes l’Escale, en plein cœur de l’arrondissement, il fallait traverser la patinoire naturelle dressée par l’hiver pour assister à l’atelier animé par Kenny Thomas, un pilier de cette organisation et de l’intervention jeunesse à Montréal-Nord. Des jeunes filles, des jeunes hommes, tous assis pour cette soirée de discussion en présence de trois femmes impliquées dans diverses causes et venues échanger sur ce qu’est « une femme en 2019 ». Dans la plus grande des confiances, les garçons et les filles ont pu narrer leurs perspectives et expériences, de la sexualisation, de l’animalisation des femmes, notamment noires, ou de l’exotification des femmes arabes, des enjeux de harcèlement et tous leurs espoirs de changement. Tout dans la conversation faisaient d’eux des personnes responsables, conscients que l’égalité et l’équité se trouvaient là, entre les mains de tou.te.s.

Loin des parades du 8 mars au centre-ville de Montréal, loin des groupes de femmes qui oublient que les marges sont révélatrices des avancées humaines autant que des échecs, loin des caméras ou des micros, ce qui se tramait là, en cette journée internationale, donnait de la place à celles et ceux qui incarnaient et donnaient sens au mot solidarité.

Bochra Manaï, Coordonnatrice générale de Parole d’excluEs